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S'ENGAGER DANS LE FÉMINISME EN TANT QU'HOMME CIS

Ce guide vous donne quelques pistes de réflexion et d'actions pour vous engager en tant qu'homme cis dans la lutte féministe. Vous pouvez cliquer sur les termes soulignés, vous serez redirigé vers leur définition, sur notre page Glossaire.

Quelques pistes pour s'engager dans le féminisme en tant qu'homme cis

Aujourd’hui, alors qu’on essaye encore de nous faire croire que l’égalité entre les genres a été atteinte, il n’est pas évident de trouver sa place dans la lutte féministe en tant qu’homme cisgenre.

Il faut d’abord rappeler que le féminisme n’est pas seulement une lutte pour l’égalité entre les genres, mais également une lutte contre les rapports de domination fondés sur le genre, la race et la classe. C’est lutter contre le patriarcat (squelette de nos sociétés depuis plusieurs millénaires), mais aussi la suprématie blanche et le capitalisme. Le système patriarcal pénalise la grande majorité de la société, principalement au profit des hommes.

 

Il faut cependant comprendre que même si les principales victimes de ce système sont les femmes et les personnes sexisées, les hommes peuvent aussi être pénalisés par ce système. L’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre le patriarcat est d’essayer d’en sortir. Pour les hommes cis, cela passe par un processus de déconstruction.

Celui-ci n’a pas à être pensé comme une fin en soi, mais plutôt comme un horizon vers lequel les hommes cisgenres sont amenés à tendre. Lorsque vous vous engagez dans une démarche féministe, il est nécessaire de voir ce processus de déconstruction comme un apprentissage, qui passe dans un premier temps par la déconstruction de l’ensemble des stéréotypes et vérités que vous preniez pour acquis.

Cela permet ensuite de construire de nouvelles fondations et de nouvelles grilles de lecture du monde qui viendront remettre en perspective l’ensemble des rapports de pouvoir et de domination au sein de la société.

 

Enfin, ce nouveau regard sur la société permet de réfléchir et de changer nos comportements oppressifs sur le plan individuel mais aussi de mener des actions de lutte collective.

1/ Identifier sa place au sein des systèmes d'oppression

Dans notre contexte socio-culturel, si l’on coche ne serait-ce une de ces cases : homme cisgenre - hétérosexuel - blanc - riche, valide (...) on fait partie d’un groupe privilégié. Cela confère du pouvoir ou du moins une position de pouvoir.

Ce n’est pas une insulte, ni un reproche mais un simple constat.

 

La lutte contre le patriarcat concerne directement les hommes. Il s'agit à la fois de prendre conscience des injonctions à la masculinité que ce système impose mais aussi de sa position de pouvoir vis-à-vis des personnes sexisées, racisées, handicapées, etc.

On peut travailler à réduire ce pouvoir, c’est-à-dire s’engager dans un processus de « disempowerment » en réponse à « l’empowerment » féministe. Le « disempowerment » consiste donc à réduire le pouvoir exercé individuellement et collectivement sur les personnes appartenant à un groupe social oppressé. Se poser des questions au quotidien et changer les choses concrètement, à son niveau.

 

Que puis-je faire ?

  • Je prends du recul. Il est utile (et nécessaire) de se questionner, de se demander : “quelle est ma place au sein de ces systèmes d’oppression ?”

  • Je me pose la question : “Est-ce normal ?”. Prendre conscience de ma position privilégiée c’est remettre en question ce système. C’est me rendre compte que ces privilèges sont des avantages injustes et immérités que la société accorde à une personne parce que son identité sociale est jugée normale ou plus acceptable

  • Je me demande : “Que faire de ce pouvoir ? Comment l’utiliser ? Y a-t-il une bonne façon de l’exercer ?”

  • Je pratique le disempowerment, donc j'accepte ou du moins j’essaye de ne plus jouir ou de moins jouir de mes privilèges et d’utiliser mon pouvoir à bon escient.

  • Je pratique le boy watch et je m’éloigne des boys club, qui encouragent les comportements sexistes et renforce la culture du viol.
     

Pour aller plus loin :

Olivia Gazalé - Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexes

bell hooks - La volonté de changer

Chimamanda Ngozi Adichie - On peut tous être féministes

Dupuis-Déri - Petit guide de disempowerment pour hommes pro-féministes (PDF)

2/ S'éduquer par soi-même sans attendre que cela vienne des autres

Il est très rare que la démarche d’éducation vienne à 100% de soi-même.

En général, on commence à se poser des questions par le biais d’un.e proche ou d’un événement : notre copine nous reproche de ne pas partager la charge mentale, un.e ami.e a subi des violences, notre mère s’est vu refuser un poste à cause de son genre, on assiste à des violences sexistes au travail et on ne sait pas quoi faire, etc.

Autant de moments qui nous permettent de réaliser l’étendue du sexisme dans la société. Si C’est par le biais des autres que l’on est amené à questionner son rapport aux autres et à soi-même dans cette société, nous ne pouvons cependant pas pour autant compter seulement sur les autres pour apprendre et comprendre.

En effet, il existe beaucoup de livres, de documentaires ou de podcasts qui questionnent les masculinités, qui décryptent le sexisme et le patriarcat et qui peuvent nous guider dans cette démarche.

Il ne s’agit alors pas de devenir spécialiste du sujet, encore moins de tomber dans le mansplaning féministe, mais d’en comprendre les revendications en vue de les soutenir et d’agir dans leur sens.

Pour autant, tout n’est pas écrit dans les livres et il peut arriver d’avoir envie de poser des questions à des personnes concernées proches de nous. C’est possible mais il ne faut pas partir du principe que les féministes sont à notre disposition pour nous éduquer. Cela représente une charge mentale considérable, fatigante et énergivore.

 

Que puis-je faire ?

  • Je me renseigne et j'apprends par moi-même, grâce à toutes les ressources existantes.

  • Si j’ai une question, je m'assure que la personne à qui je souhaite la poser est disponible et d’accord pour aborder le sujet, donner de son temps et de son énergie à répondre.
     

Pour aller plus loin :

Voici un lien vers la page de ressources féministes sélectionnées par NOUS SOMMES, qui propose un ensemble d'ouvrages, de documentaires et de podcasts classés par niveau et par thématiques

3/ Questionner les stéréotypes de genre

Notre société est cis-normative. Malgré la richesse des identités de genre, cette société prône la binarité de genre comme seul modèle viable, socle des relations amoureuses, du mariage et de la domination masculine dans la sphère intime : l’hétérosexualité. Le système ou “cistème” hétérosexuel est construit sur l’idée que l’homme et la femme sont opposés et complémentaires. Il valorise des valeurs et des stéréotypes attribués à la femme et à l’homme, c’est ce qu’on entend par “féminité” ou “virilité”.

Ainsi, nous grandissons en étant construit.e.s par ces stéréotypes, tout aussi faux que dangereux. L’homme fort ne doit pas montrer ses émotions ni même les ressentir, il est leader, agressif, musclé, conquérant (liste non-exhaustive) alors que la femme est douce, maternelle, aimante, fragile (idem).

 

Questionner et refuser ces stéréotypes est un moyen de s’émanciper du patriarcat. À la fois pour soi-même, en réfléchissant à la manière dont ces stéréotypes nous ont appris à nous couper de nos émotions, à exister d’une manière qui ne nous convient peut-être pas tout à fait et à sortir d’un rôle d’homme que nous performons.

Ensuite vis-à-vis des femmes et personnes sexisées, qui subissent également ces stéréotypes qui créent de la violence partout. Nous avons toustes grand intérêt à revoir notre rapport au corps, à l’autre ou à nos émotions à travers les stéréotypes de genre pour comprendre à quel point l’absurdité du système hétéro-patriarcal nous empêche d’exister en tant que personnes et nous oblige à performer un genre malgré la violence que cela implique.

 

Que puis-je faire ?

  • Je questionne mon rapport à la masculinité, aux concepts de féminité et de virilité.

  • Je sors des stéréotypes en refusant de performer une virilité normative

  • Si j’ai des enfants, je me renseigne sur l’éducation non-genrée et tente de l’appliquer au maximum.

 

Pour aller plus loin :

Juliet Drouar - Sortir de l’hétérosexualité

Serge Hefez - Le nouvel ordre sexuel

Aurélia Blanc -Tu seras un homme féministe mon fils

Laurène Bastide - Futur.e.s

4/ S'opposer à la culture du viol

La culture du viol est un ensemble de phénomènes culturels et sociaux qui visent à banaliser, excuser ou accepter les violences sexuelles. Elle fonctionne de pair avec le patriarcat qui l’entretient à l’aide des médias et des représentations dans la culture (films, séries, romans, bande dessinée, etc.).

 

Il s’agit par exemple de ne pas utiliser le terme “agression sexuelle” mais plutôt “attouchement” qui n’a aucune valeur juridique et qui minimise la gravité d’un acte. Ou bien encore de banaliser des agressions sexuelles en les faisant passer pour du romantisme. La liste est longue car notre société repose entre autres sur la domination d’un genre sur un autre.

 

La violence sexiste n’étant plus ouvertement admise (bien qu’elle soit parfois décomplexée), la culture du viol veille à maintenir les violences en les faisant passer comme acceptable. En tant qu’hommes, on peut petit à petit prendre conscience de cette manipulation qui cache les violences, et apprendre à reconnaitre la culture du viol pour s’y opposer et la dénoncer.

 

 

Que puis-je faire ?

  • Je me renseigne sur les violences sexistes et sexuelles (Nous Toutes). J’en parle avec mon entourage (si le sujet est le bienvenu).

  • Je questionne le rôle que je joue consciemment ou inconsciemment dans la culture du viol.

  • J’apprends à me détacher et à lutter contre la culture du viol

  • Je refuse les discours qui banalisent les violences sexistes et sexuelles et j’applique le consentement enthousiaste et éclairé.

  • J’éduque mes pairs masculins à la gravité des violences sexistes et sexuelles et à leurs conséquences physiques, psychologiques, sociales, que ce soit dans les sphères privées, publiques ou professionnelles, pour les victimes.

  • J’écoute les personnes ayant subi des violences sexistes et sexuelles.

  • Je suis empathique et je les soutiens dans leurs démarches.

 

Pour aller plus loin :

Noémie Renard - En finir avec la culture du viol

Valérie Rey Robert - Une culture du viol à la française

Christelle Taraud - Féminicides. Une histoire mondiale

5/ Développer sa force d'amour

L’amour est un acte politique. En cessant de ne le considérer que comme un sentiment ou une émotion, nous avons le pouvoir d’en faire un outil puissant.

L’amour n’a pas de genre, pourtant, si beaucoup d’hommes aiment en parler, sa mise en application concrète est souvent l’apanage des femmes et personnes sexisées.

Or, l’amour est un merveilleux moyen d’empowerment car il permet de transmettre de la force, de la confiance, de l’énergie, du bonheur. Définir ou redéfinir l’amour permet de sortir d’une vision purement romantique pour en faire un outil politique. Selon M. Scott Peck, définition sur laquelle se base bell hooks dans son ouvrage À propos d'amour, : “L’amour c’est ce qu’on fait. L’amour est un acte de volonté, c'est-à-dire désir et action conjointement. Et la volonté implique un choix. On n’est pas obligé d’aimer, on le décide.”

 

Que puis-je faire ?

  • Je décide d’aimer et d’investir ma force d’amour, en particulier envers les personnes sexisées et moi-même.

  • Je m'éloigne, voire j'éradique toute forme de violence

  • J’apprends et j’applique le soin, l’affection, la reconnaissance, le respect, l’engagement, la confiance et la communication honnête et ouverte.

  • Je prends soin de ma psyché et fait un travail introspectif incluant une thérapie car c'est aussi un outil précieux pour développer correctement la force d'amour dans une démarche féministe
     

Pour aller plus loin :

bell hooks - À propos d’amour

Coral Herrera Gomez - Révolution amoureuse

Liv Stromquist - Les sentiments du Prince Charles

6/ Ne pas monopoliser la parole

Le partage de la prise de parole est un enjeu central pour fonder une société égalitaire et respectueuse de toustes. Avoir la parole est à la fois un privilège et un pouvoir. Un privilège parce qu’aujourd’hui elle est détenue de façon très inégale.

Un pouvoir, car une personne qui à la parole peut exprimer ses idées aux autres, et à l’inverse celleux qui ne l'ont pas, ne peuvent défendre leur point de vue et leurs idées.

Aujourd’hui, au-delà des classes sociales, la parole est monopolisée, notamment dans l’espace public, par les hommes cis. Cela n’est pas valable uniquement dans les médias. C’est le cas dans les espaces politiques, militants, entrepreneuriaux, artistiques, etc. Une étude établie par les universités de Princeton et Brigham Young montre en effet que «les hommes accaparent 75% du temps de parole en réunion». Cette monopolisation est à la fois l’un des pouvoirs que le système patriarcal octroie aux hommes, et l’un des moyens de maintenir ce système.

 

Que puis-je faire ?

  • Je reconnais et identifie ces différents phénomènes chez moi. Il est important de le remarquer chez les autres hommes, mais il faut avant tout le faire pour soi.

  • Je résiste à la tentation de hausser la voix systématiquement et de couper la parole pour me faire entendre.

  • Je fais preuve d’une écoute active. Si je laisse la personne en face de moi exprimer ce qu’elle a à dire, elle me laissera le faire en retour. Et si, c’est la personne en face qui a tendance à couper la parole, je ne dois pas hésiter à le faire remarquer.

  • Je me pose la question du temps de parole : est-ce que je parle plus longtemps que les autres ? Est-ce que la durée de mes interventions a empêché l’intervention d’autres personnes ?

  • Je donne la parole quand je peux à des personnes qui ne l’ont pas souvent car donner la parole, c’est donner du pouvoir.
     

Pour aller plus loin :

Article @nosalliesleshommes - Couper la parole

Rebecca Solnit - Ces hommes qui m'expliquent la vie

Marlène Coulomb-Gully - Sexisme sur la voix publique

7/ Parler moins, agir plus

On connait toustes dans nos groupes de potes ce mec super “déconstruit”, qui porte du vernis, qui emploie à perfection le langage féministe et qui a lu beaucoup d’ouvrages sur le sujet. Ce mec que tout le monde valorise et met en avant. Celui qui surfe sur la vague du féminisme.

Pourtant, il est le premier à ne jamais faire preuve d’écoute et à avoir des comportements problématiques auprès des personnes sexisées. Plus que tous les mots, plus que la façade qu’on montre au monde, nos actes sont le reflet de nos choix et de notre position.

Tenir un discours et agir à l’inverse n’a aucun sens, il s’agit donc de faire coïncider les paroles et les actes.

 

Que puis-je faire ?

Au sein de son cercle familial et/ou amical :

  • J’abandonne mes comportements sexistes/oppressifs

  • Avec mes potes, je ne laisse pas passer des propos problématiques : les récits dégradants sur des personnes sexisées, le harcèlement lors des soirées, les insultes, etc.

  • Je confronte mes amis hommes, je parle avec eux, je les écoute et leur explique pourquoi il leur faut changer leur attitude.

  • Je fais preuve d’écoute et d’empathie avec mes proches sexisés. Je ne remets pas en question leurs vécus.

  • Je ne cherche pas à défendre mon pote ou à légitimer ce qu’il a fait (“ouais mais il avait bu”) mais je le confronte vis-à-vis de ses comportements.

  • Je questionne mes amitiés de longue date : autour de quoi sont-elles construites ? Que m’apportent-elles ?
     

Avec la famille également :

  • Je m’oppose aux propos problématiques.

  • J’identifie les potentiels relais avec qui je peux discuter et faire passer des messages dans ma famille.
     

Dans la sphère professionnelle/scolaire :

  • Je m’oppose aux propos problématiques tenus par ses collègues et je m’appuie sur les campagnes mail anti-sexistes s’il y en a.

  • Je ne cautionne pas les politiques d’embauche sexistes.

  • En réunion, je prête attention à la place des personnes sexisées et veille à ce qu’elles puissent prendre la parole si elles le souhaitent. Je fais remarquer si on leur coupe la parole.

  • Si j'ai une position de pouvoir (manager, direction, chef, etc.) je mets en place des formations de préventions et de luttes face aux VSS et aux RPS. Je veille à ce qu’il y ait des lieux sûrs pour accueillir la parole des victimes.

 

Sur les réseaux sociaux :

  • J’utilise mon influence, aussi petite soit-elle, pour relayer et mettre en avant la parole des personnes concernées.

  • Je revois mes abonnements. Est-ce que je suis des personnes qui tiennent des propos oppressifs ? Combien de mecs cis blanc je suis VS combien de meufs, personnes non-binaires, trans ou racisées ?

  • Je donne du soutien à des groupes minoritaires. Je me demande si les pages que je suis depuis longtemps sont toujours pertinentes ?

  • Je quitte les conversations de groupes où sont tenus des propos problématiques.
     

Pour aller plus loin :

@sansblancderien - Compte Instagram

Joy Sorman - Boys, Boys, Boys

John Stoltenberg - Refuser d'être un homme

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